Actualisé le 25 Juin 2024 :
Depuis l’arrivée récente du CBD en France, de nombreux conducteurs sont poursuivis devant les juridictions répressives pour conduite d’un véhicule en ayant fait usage de produits stupéfiant.
Or, le CBD est donc un produit légal, comme le rappelle la Cour de justice de l’Union européenne a précisé dans un arrêt du 19 novembre 2020 que le cannabidiol (CBD) ne constitue pas un stupéfiant, au sens de la convention unique (CJUE,19 novembre 2020, affaire C-663/18).
Par ailleurs, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé aussi que » le Cannabidiol n’est inscrit ni sur la liste des substances vénéneuses, ni sur la liste des substances stupéfiantes (…) » (Cass.Crim, 15 juin 2021, n° de pourvoi 18-86.932) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043684141?dateDecision=&init=true&page=1&query=CBD&searchField=ALL&tab_selection=juri
Pour rappel, la vente de plantes et de bouturage était interdite à compter du 1er janvier 2022.
Toutefois, Le Conseil d’état a suspendu le lundi 24 janvier 2022 l’arrêté ministériel qui interdisait, depuis le 31 décembre 2021, la vente de la fleur et de la feuille de chanvre chargée en CBD, la molécule non-psychotrope du cannabis.
Dès lors, les fleurs et les feuilles de chanvres sont autorisés pour « la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale » au motif qu’elles contiennent une très faible teneur en tétrahydrocannabinol (THC), principe actif du cannabis qui a, lui, des effets psychotropes avec une teneur en THC inférieure à 0,3% selon les variétés et sous variétés.
A ce jour, le CBD (cannabidiol) n’est pas qualifiée comme un stupéfiant, le Conseil constitutionnel l’a confirmé dans sa décision 2021-960 QPC du 7 janvier 2022.
De plus, le nouveau taux de THC est passé de 0,2 à moins de 0,3 % depuis le 1er janvier 2022.
Les conducteurs ayant fait usage de CBD avant de reprendre le volant de leur véhicule pouvaient, lors d’un contrôle routier, être positifs aux dépistages de stupéfiants, que ce soit par le test de dépistage salivaire , le test urinaire ou, le cas échéant, la prise de sang.
En effet, les tests salivaires servent à dépister le THC ou le THC-COOH, substances actives du cannabis (La teneur en THC de l’herbe est d’environ 20% contre 30 à 40 % pour la résine). Or, l’une des substances actives du CBD est aussi le THC. Les tests salivaires sont extrêmement sensibles et la moindre trace de THC.
Le THC est présent, en moyenne :
- Dans les urines pendant une période de 1 à 30 jours (THCCOOH)
- Dans le sang pendant une période de 6 à 12 heures (THC) et de 12 à 48 heures (THCCOOH)
- Dans les salives pendant une période de 6 à 12 heures (THC)
Il n’est plus discuté que le THC agit sur les capacités psychomotrices et la cognition des conducteurs (troubles de la pensée, désorientation baisse de la vigilance, rétrécissement du champ visuel, troubles de l’équilibre, trouble de l’humeur, agressivité, anxiété, hallucination, dépendance…).
Le CBD n’entraine pas de dépendance mais il peut comporter des effets indésirables (diarrhée, fatigue excessive, somnolence…)
Or, contrairement à l’alcool, les dispositions du Code de la route ne prévoit aucun taux de THC minimum pour constituer le délit de conduite après usage de produits stupéfiants.
Dès lors que le test est positif, seuil de détection supérieur à 15 nanogrammes par millitre de salive selon l’article 3 du décret du 13 décembre 2016 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033607271 ) et confirmé par un laboratoire compétent, le conducteur était poursuivi devant les juridictions répressives pour les faits de conduite en ayant fait usage de produits stupéfiants.
Cette situation était incohérente avec l’état du droit au motif que le CBD n’est pas un produit stupéfiant et que le conducteur, consommateur de CBD, n’avait pas l’intention, ni la conscience d’enfreindre la loi en commettant l’infraction de conduite après usage de produits stupéfiants.
De plus de nombreux consommateurs de produits stupéfiants avaient modifié leurs habitudes de consommation en privilégiant justement le CBD au motif qu’il ne présentait aucune restriction particulière à la conduite d’un véhicule.
Cet argument de défense était efficace et des relaxes étaient prononcées par les juridictions répressives.
Après de nombreux débats devant les tribunaux et les cours d’appel sur l’élément intentionnel de l’infraction, la chambre criminelle de la Cour de cassation tranche définitivement cette question le 21 Juin 2023: (…) l L’autorisation de commercialiser certains dérivés du cannabis, dont la teneur en delta 9 tétrahydrocannabinol, substance elle-même classée comme stupéfiant, n’est pas supérieure à 0,30 %, est sans incidence sur l’incrimination de conduite après usage de stupéfiants, cette infraction étant constituée s’il est établi que le prévenu a conduit un véhicule après avoir fait usage d’une substance classée comme stupéfiant, peu important la dose absorbée (…) https://www.courdecassation.fr/decision/6492974417c95e05dbf9ded3
C’est une jurisprudence très stricte de la chambre criminelle puisque la moindre trace de THC suffit à entrainer une condamnation alors même que le CBD n’a pas d’effet psychoactif et qu’il n’a pas d’influence sur la conduite.
Il est possible que la législation évolue avec la mise en place d’un taux minimum pour retenir une conduite après usage de stupéfiants. Espérons-le…..
MAJ 25 juin 2024 – La 10é chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel de Rennes (n°24/501) opère un revirement audacieux en prenant une position contraire à celle de la Chambre criminelle, le 26 mars 2024, elle RELAXE un conducteur, consommateur de CBD en se fondant sur le défaut d’élément intentionnel.
Elle retient que (…) « le CBD n’est pas classé comme un produit stupéfiant et en l’état de la législation rien n’interdit à un consommateur de CBD, qui ne produit aucun effet psychotrope de conduire. Aussi en conduisant son véhicule le 25 août 2022, Monsieur X n’avait aucune conscience de ce qu’il pouvait se voir reprocher un délit de conduite sous stupéfiant, et qui s’exposait à être positif au cannabis dans le cadre d’un dépistage salivaire et d’une analyse de prélèvements salivaires. Or, pour être constitué, l’infraction de conduite sous l’empire de stupéfiants suppose de rapporter l’existence d’un élément intentionnel. Cet élément intentionnel fait défaut en l’espèce«
Reste désormais à voir la réaction de la Chambre criminelle et peut-être enfin un revirement de jurisprudence.
Le Cabinet PFBAVOCATS est présent pour vous conseiller et vous assister afin de faire valoir vos droits.
Laurent BENAITEAU
Avocat associé